Précarité énergétique: résultats de la recherche PREBAT

Un projet présenté par la s.a.s. PratiCité sous la responsabilité de Denis Caraire, urbaniste, avait été lauréat dans le cadre de l'appel à projets "PREBAT" lancé par le PUCA, l'ANAH, et l'ADEME.

Le travail dansle cadre de cette recherche intitulée "sensibilisation des acteurs institutionnels à une approche élargie de la précarité énergétique" est aujourd'hui arrivé à son terme.

On peut télécharger ici le rapport final de PratiCité sur le site de l'ADEME.

Les constats de départ 


Les actions institutionnelles menées en direction de la précarité énergétique ciblent souvent les ménages locataires en situation de surconsommation énergétique (impayés d'énergie). Les points d'entrée classique des dispositifs institutionnels mis en œuvre sont l'amélioration de la performance énergie du logement et la pédagogie des usages de l'énergie au domicile.

Dans ce contexte, les ménages en sous consommation d'énergie, en non consommation, les ménages propriétaires et accédants à la propriété restent "en dessous du radar". Par ailleurs, la focalisation sur les dépenses d'énergie liées au logement laisse dans l'ombre la question des ressources et du budget global du ménage, mais également les dépenses d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre associées aux déplacements du ménage.

Les objectifs


Fournir un outil de référence et de réflexion à destination des acteurs institutionnels engagés dans des démarches de lutte contre la précarité énergétique en apportant des informations issus de rencontres avec une centaine de ménages et de l'analyse de leur budget, de leur logement, de leur "itinéraire énergie", de leurs déplacements, de leur vécu, et de leur opinion citoyenne sur la précarité énergétique et le discours public sur l'énergie et l'environnement. Plus précisément, l'approche élargie porte sur:

·         La prise en compte des spécificités des ménages non consommateurs ou très peu consommateurs dans les dispositifs d'accompagnement
·         La prise en compte des  spécificités des propriétaires et des ménages accédants à la propriété
·         La promotion de l'analyse budgétaire globale du ménage pour mieux situer la place du budget énergie et vérifier si la perspective d'économies d'énergie est un levier
·         La mise en évidence qu'en termes budgétaires comme en termes d'émissions de gaz à effet de serre, l'élément le plus déterminant pour la moitié des ménages de notre échantillon est l'automobile et son usage.
·         La prise en compte des raisonnements et des attitudes des ménages en situation de précarité pour mieux programmer les actions sur les usages.

Notre méthode


1/ Constitution d'un échantillon de 100 ménages dans des situations diverses de précarité énergétique, de statut d'occupation, d'âge, de taille, de localisation, sans recherche de représentativité globale, mais dans le souci d'un éventail de réalités;
2/ Réalisation d'entretiens lourds au domicile complétés par une analyse de la performance énergétique de leur logement sur la base d'un DPE
En parallèle, animation d'une série de rencontres auprès de locataires HLM sur le thème des usages de l'énergie dans le logement basées sur l'écoute des pratiques et des questionnements des personnes.
3/ Exploitation statistiques qualitative et quantitative des données recueillies, structuration des informations sous forme d'éclairages, de portraits, élaboration d'un référentiel de l'exposition à la précarité énergétique et d'une typologie des ménages précaires destiné à différencier les actions éventuelles à décliner auprès d'eux.
4/ Formalisation d'un rapport et d'une synthèse à vocation de diffusion large.

Les résultats


Objectif atteint quant à la description de la complexité et de la variété des situations de précarité énergétique, en donnant la parole à certains ménages que l'on trouve très rarement dans les dispositifs "précarité";
Mise en évidence d'une relation très élastique, voire dans certains cas d'une déconnexion entre la performance énergétique du logement et la situation de précarité énergétique du ménage.
Mise en évidence des effets pervers de certaines approches sociales qui aboutissent à la constitution du logement et de sa performance énergétique comme bouc émissaire de ses difficultés budgétaires gobales.
Mise en évidence de l'enjeu prépondérant de l'automobile au plan économique et environnemental pour de nombreux ménages interrogés, qui effectuent des déplacements importants avec des véhicules anciens, gourmands et polluants.
Mise en évidence de l'intérêt de coupler l'accompagnement purement "énergie" à un accompagnement budgétaire lié à la consommation générale, notamment parce des gains plus importants peuvent être espérés par des démarches comme la renégociation des abonnements. En parallèle, apport d'informations sur la diversité des politiques d'arbitrages (dépenses d'ajustement) suivies par les ménages. On ne s'adresse pas de la même façon à un ménage qui régule son budget en jouant sur les dépenses d'énergie et à un ménage qui régule en jouant sur les frais de santé et d'alimentation.
Mise en évidence du fait que pour les ménages en précarité aiguë, le point d'entrée énergie n'est pas pertinent au regard d'autres points d'entrée (santé, budget, et surtout, alimentation).
Mise en évidence du poids important des éléments de langage, grâce aux approches très diverses des enquêtés de la notion de précarité.
Objectif non atteint quant au suivi sur la durée des ménages enquêtés, qui avait été envisagé au départ.
Difficultés rencontrées au démarrage de la mission pour aller vers des ménages hors dispositifs dans une logique de pure étude avec des personnes non demandeuses (accédants à la propriété, occupants d'habitations de fortune, liées en partie au fait que les intervenants du projets de recherche, des praticiens de terrains, étaient peu à l’aise au départ pour travailler avec les ménages dans une relation de recherche « gratuite », soit écoute et non service direct rendu. 

A retenir

Caractérisation d'une variété de précarités et de précaires, propre à contribuer à la programmation et à l'évaluation des actions de terrains (quels publics touchés, quelles formes de précarité accompagnées);
La forêt des précarités énergie existe à côté de l'arbre FSL énergie.
Dans de nombreux cas, l'accompagnement budgétaire peut s'avérer plus utile que l'apport du thermicien (renégociation des priorités, travail sur les usages, renégociation des contrats). Il est plus facile de gagner 50€ par an sur son abonnement électrique que 35€ en éteignant les veilles… Au-delà, la question du mode de facturation est une clé: pour de nombreux ménages enquêtés, la maîtrise, c'est payer à l'avance une quantité connue. Plutôt ne pas utiliser l'électricité que d'avoir une surprise à l'arrivée.
L'inégalité des ménages quant au coût de l'eau, avec de gros impacts sur les petits budgets.
La question de l'automobile: dans de nombreux cas étudiés, il est peut-être plus productif de contribuer à traiter la question des déplacements que de contribuer à l'isolation du logement.
La nécessaire valorisation des usages propres aux ménages: à l'opposé d'une approche "coloniale" ou des techniciens sachants expliquent aux ménages comment vivre, des pistes existent pour une formation des ménages précaires par eux même, au regard de la variété et de l'ingéniosité des stratégies mises en œuvres par les plus pauvres
La question clé du thermostat et de la température de consigne: la mesure de la température du logement reste l'exception. L'ergonomie des thermostats programmable ne permet pas leur utilisation par les personnes.
Le moteur insoupçonné que constitue le souci environnemental des plus démunis: le souci de préserver la planète est souvent un meilleur point d'entrée que les questions d'économie d'énergie, y compris pour des ménages en situation critique.